Le journal Le Monde propose une série d'article sur l'Allemagne et les changements qu'a vécu la société allemande ces dernières années. Entre la chute du mur de Berlin, la réunification et la crise économique, l'Allemagne a beaucoup changé! Et c'est pour mieux comprendre ces évolutions que Le Monde propose des articles très pertinent sur ces changements.
Le premier, intitulé "En Allemagne, le bastion prospère du Baden-Wurtemberg découvre la crise" vous invite à découvrir comment la crise est vécue dans ce land réputé très riche. Il s'agit de la région de Stuttgart, Heidelberg, Fribourg, de la forêt noire, d'Ulm et... Biberach, le ville jumelle de Valence!
Bonne lecture! Viel Spass!
En Allemagne, le bastion prospère du Bade-Wurtemberg découvre la crise
Reutlingen (Bade-Wurtemberg) Envoyée spéciale
Pour désigner la riche région de Stuttgart, dans le sud-ouest du pays, les Allemands ont inventé un mot : Musterländle. Littéralement "terre modèle", en dialecte souabe. Une expression qui résume bien ce pays prospère, siège de quelques-unes des marques les plus prestigieuses de l'Allemagne (Porsche, Mercedes, Bosch) et d'une multitude de petites et moyennes entreprises hyperperformantes. Et Reutlingen, ville de 110 000 habitants à 30 km au sud de Stuttgart, est une Muster-stadt ("cité modèle") au coeur de ce Musterländle : le plus grand centre économique entre la capitale du Bade-Wurtemberg et le lac de Constance, disent fièrement les gens du cru.
Pourtant depuis le début de la crise, la belle machine s'est enrayée. Très spécialisées à l'export, les entreprises ont subi de plein fouet l'effondrement des marchés mondiaux. A Reutlingen, le taux de chômage (5,4 % en août) ferait certes pâlir de jalousie n'importe quelle ville de l'ex-RDA. Mais il a bondi de moitié en moins d'un an. Surtout, le Land tout entier est devenu un fief du Kurzarbeit, le chômage partiel, un dispositif encouragé par le gouvernement allemand. Plus de 300 000 salariés sont concernés dans le Bade-Wurtemberg. Rapporté au nombre d'actifs, c'est plus que dans n'importe quelle autre région allemande.
A l'agence pour l'emploi de Reutlingen, personne n'a oublié ce jour de fin septembre 2008, une semaine après la faillite de Lehman Brothers, quand le téléphone s'est mis à sonner pour ne plus jamais s'arrêter. Petites, grandes, familiales, près d'un millier d'entreprises ont eu recours au Kurzarbeit ces derniers mois. Un moyen de conserver les savoir-faire tout en allégeant les coûts salariaux. Car les employeurs redoutent de se retrouver confrontés à une pénurie de main-d'oeuvre, une fois la déflagration passée.
"Mais aujourd'hui, il y a moins de demandes, et ce n'est pas forcément une bonne nouvelle", note Ulrich Häfele, le directeur de l'agence. Sans nette amélioration de leur activité, beaucoup d'entreprises sont maintenant obligées de licencier. Le nombre de chômeurs devrait continuer à grimper, au moins jusqu'à l'été 2010. Point de colère ni de révolte, toutefois, à Reutlingen. "Tout le monde attend en espérant que ça reparte. Ce n'est pas dans la culture des gens d'ici de manifester, ils trouvent cela indécent", indique sobrement M. Häfele.
Chez Bosch, les syndicats seraient presque prêts à distribuer un bulletin de bonne conduite à la direction, qui a renoncé jusqu'ici à toute suppression d'emploi. Pourtant, le premier équipementier mondial est à la peine : il devrait inscrire une perte nette cette année, pour la première fois depuis cinquante ans. "Une telle chute des commandes en aussi peu de temps, on n'avait jamais connu ça", raconte Wulf Siepert, secrétaire adjoint du comité d'entreprise de l'usine Bosch à Reutlingen.
L'homme connaît les rumeurs qui circulent : les patrons de grands groupes auraient décidé de différer les licenciements au-delà du 27 septembre, date des élections législatives, pour ne pas mettre en péril une éventuelle coalition de droite entre chrétiens-démocrates et libéraux. Il préfère ne pas y penser. Pour l'heure, plus de 40 % des 6 500 employés du site travaillent à temps partiel. Qui trois jours par semaine, qui deux semaines par mois...
"C'est lafaçon la plus intelligente de surmonter la crise", assure M. Siepert, depuis quarante ans chez Bosch. "Mais les salariés sont forcément anxieux. D'autant qu'un Souabe qui ne travaille pas, ce n'est pas dans l'ordre des choses", fait-il remarquer avec son accent chuintant, typique de la région. Les gens continuent à rouler en Porsche et en Mercedes à Reutlingen. Mais dans le centre piéton bordé de coquettes façades, on croise beaucoup d'hommes désoeuvrés. Certains se donnent rendez-vous au café Aroma, qui fait des prix doux à ses habitués mis au chômage technique. C'est le cas depuis deux mois pour Andreas, 39 ans, employé chez un petit sous-traitant automobile.
En août, ce père de deux enfants a touché 75 % de son salaire. "Je ne peux pas m'empêcher de penser que je vais peut-être recevoir un papier me disant : c'est fini", dit cet ouvrier qualifié, inactif deux jours par semaine. Si l'on fabrique vraiment trop de voitures, comme tout le monde le dit, la crise ne va-t-elle pas s'installer pour de bon ? Ne va-t-il pas y avoir des faillites en chaîne ?
Ces derniers mois, des experts ont semblé lui donner raison en tirant la sonnette d'alarme : trop d'industrie automobile, trop de dépendance aux exportations, le Bade-Wurtemberg doit repenser sa structure économique.
Directeur de la chambre de commerce et d'industrie de Reutlingen, Wolfgang Epp refuse d'écouter ces sombres augures. Il l'assure, les entreprises locales, souvent numéro un mondial sur leur marché de niche, profitent d'une compétitivité, d'une capacité d'innovation intacte. Et d'une culture bien particulière : après avoir enregistré de gras bénéfices entre 2005 et 2008, les PME familiales ont "investi cet argent dans l'entreprise au lieu de le dépenser dans des vacances à Saint-Tropez". Une gestion prudente des finances à la façon de "la ménagère souabe".
Blottie dans les collines du Wurtemberg, la ville de Reutlingen a le regard fixé vers l'Asie où elle guette le moindre sursaut de la consommation. "Cela commence à repartir en Chine et en Inde, c'est bon signe pour nous", se réjouit M. Epp.
Prochain article :
les désillusions
de Tobias Schmidt, qui a tenté
sa chance à l'Ouest.
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